Q
u’est-ce que signifie cette chose-là : faire la cour à une femme ?

Cela signifie que cette femme vous plaît, et qu’on est bien aise de le lui dire. 

Il faut supposer à une femme une tête bien vide et un grand fonds de sottise, pour se figurer qu’on la charme avec de pareils ingrédients. Il me semble, en vérité, que, si j’étais homme et si je voyais une jolie femme, je me dirais : voilà une pauvre créature qui doit être bien assommée de compliments ; je l’épargnerais, j’aurais pitié d’elle, et, si je voulais essayer de lui plaire, je lui ferais l’honneur de lui parler d’autre chose que de son malheureux visage. Mais non, toujours : « vous êtes jolie, » et puis « vous êtes jolie », et encore jolie. Eh ! mon Dieu, on le sait bien.

Si l’amour est une comédie, cette comédie, vieille comme le monde, sifflée ou non, est, au bout du compte, ce qu’on a encore trouvé de moins mauvais. Les rôles sont rebattus, j’y consens ; mais, si la pièce ne valait rien, tout l’univers ne la saurait pas par cœur ; et je me trompe en disant qu’elle est vieille. Est-ce être vieux que d’être immortel ?
Je donnerais mon sang pour qu’il me fût permis d’avoir la plus légère espérance.

 

A. de Musset